Le marché immobilier français connaît une évolution surprenante. Selon la dernière édition du baromètre La Vigie de GoFlint, les passoires thermiques se vendent 1,7 fois plus vite que les habitations vertes. Cette tendance inattendue soulève des questions sur l’impact réel du Diagnostic de Performance Énergétique (DPE) sur les transactions immobilières. Malgré une décote significative, les biens énergivores semblent trouver plus facilement preneurs. Quelles sont les raisons de ce phénomène et quelles en sont les conséquences pour le marché immobilier français ?
Le paradoxe des passoires thermiques sur le marché immobilier français
Une dynamique de vente inattendue
La dernière édition du baromètre La Vigie de GoFlint révèle une tendance surprenante sur le marché immobilier français. Les passoires thermiques, ces logements classés F ou G sur l’échelle du Diagnostic de Performance Énergétique (DPE), se vendent nettement plus rapidement que les biens énergétiquement performants.
Selon les données analysées, 63% des passoires thermiques en vente au premier trimestre 2024 ont été vendues ou retirées du marché au deuxième trimestre, contre seulement 34% pour les biens classés A ou B.
Cette situation paradoxale soulève de nombreuses questions quant à l’efficacité des politiques visant à favoriser la rénovation énergétique des logements. En effet, malgré les incitations gouvernementales et la pression réglementaire croissante, les acheteurs semblent toujours attirés par ces biens énergivores.
L’impact du DPE sur les prix
Le DPE s’affirme comme un facteur déterminant dans la fixation des prix immobiliers.
En cela, les passoires thermiques subissent une décote significative par rapport aux logements performants :
- Pour les appartements : 19,1% de décote moyenne (contre 18,4% au T1 2024)
- Pour les maisons : 33,4% de décote moyenne (contre 33,9% au T1 2024)
Ces chiffres démontrent que le marché intègre progressivement la performance énergétique dans la valorisation des biens. Cependant, cette décote ne semble pas freiner les ventes, bien au contraire.
La géographie des passoires thermiques
L’analyse géographique révèle des disparités importantes. À Paris, la décote entre les appartements classés F-G et A-B n’est que de 10,9%, bien inférieure à la moyenne nationale. Cette situation s’explique en partie par la tension du marché immobilier parisien et la rareté des biens, qui atténuent l’impact du DPE sur les prix.
Ainsi, les passoires thermiques les plus onéreuses se concentrent en Île-de-France, avec Paris, Boulogne-Billancourt et Montreuil en tête du classement. À l’opposé, des villes comme Saint-Étienne, Mulhouse et Limoges offrent les passoires thermiques les plus abordables.
Les facteurs explicatifs de cette tendance
L’accessibilité financière des passoires thermiques
La décote appliquée aux passoires thermiques les rend plus accessibles financièrement, notamment pour les primo-accédants ou les investisseurs à la recherche d’opportunités. Dans un contexte de hausse des taux d’intérêt et de durcissement des conditions d’octroi de crédit, ces biens peuvent représenter une porte d’entrée sur le marché immobilier.
Le potentiel de valorisation
Paradoxalement, les passoires thermiques peuvent être perçues comme des opportunités d’investissement. En effet, les acheteurs avisés voient dans ces biens un potentiel de valorisation important après rénovation énergétique. Les aides gouvernementales à la rénovation, comme MaPrimeRénov’, renforcent cette attractivité.
La pression du marché locatif
Par ailleurs, la tension sur le marché locatif, particulièrement dans les grandes villes, pousse certains locataires à devenir propriétaires. Et, même si cela implique l’acquisition d’un bien moins performant énergétiquement. L’urgence de se loger prend parfois le pas sur les considérations énergétiques.
Les implications de cette vente rapide des passoires thermiques
Un défi pour la transition énergétique
Cette dynamique pose un défi majeur pour la transition énergétique du parc immobilier français. Selon le Ministère de la Transition écologique, le secteur du bâtiment représente environ 45% de la consommation d’énergie finale et 27% des émissions de gaz à effet de serre en France. Or, l’objectif de rénovation de l’ensemble des passoires thermiques d’ici 2028, fixé par la loi Climat et Résilience, semble compromis par cette tendance du marché.
La nécessité d’ajuster les politiques publiques
Face à ce constat, il apparaît nécessaire d’ajuster les politiques publiques pour accélérer la rénovation énergétique. Cela pourrait passer par :
- Un renforcement des incitations financières à la rénovation
- Une meilleure sensibilisation des acheteurs aux coûts réels d’exploitation des passoires thermiques
- Un accompagnement renforcé des propriétaires dans leurs projets de rénovation
L’évolution du comportement des acheteurs
Par ailleurs, l’étude BPCE L’Observatoire suggère une évolution du comportement des acheteurs. Si le DPE est désormais un critère important dans le choix d’un bien, d’autres facteurs comme la localisation ou le prix restent prépondérants. De même, les professionnels de l’immobilier ont un rôle crucial à jouer dans la sensibilisation des acheteurs aux enjeux énergétiques.
Conclusion et perspectives
La dynamique actuelle du marché immobilier français, où les passoires thermiques se vendent plus rapidement que les logements performants, révèle une tension entre les objectifs de transition énergétique et les réalités économiques du secteur. Cette situation appelle à une réflexion approfondie sur les moyens de concilier l’accès au logement, la performance énergétique et la lutte contre le changement climatique.
“ Les chiffres de La Vigie tendent à conforter les analyses comportementales des vendeurs et acquéreurs de début 2024 . En effet, ces chiffres indiquent que si le marché doit se rééquilibrer, les vendeurs devront trouver un équilibre entre leurs attentes de prix et le délai nécessaire aux professionnels immobiliers permettant de leur trouver un acquéreur.” commente Mihai GAVRILOIU, co-CEO et co-fondateur de GoFlint.
L’introduction de l’indice de viscosité par GoFlint apporte un éclairage nouveau sur ces dynamiques de marché. Il sera intéressant de suivre l’évolution de cet indicateur dans les prochains trimestres pour comprendre si cette tendance se confirme ou si le marché finit par s’aligner sur les objectifs de transition énergétique.
En définitive, le défi pour les années à venir sera de transformer cette apparente contradiction en une opportunité de rénovation massive du parc immobilier français, conciliant ainsi les impératifs environnementaux et les réalités économiques du marché.
Source : Monimmeuble.com